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(CP) Transidentité : Une parent trans privée de sa filiation

Communiqué de presse du mardi 7 mars 2017


Avant son changement d’état civil, Anne*, qui est une femme trans, a eu une fille avec Françoise*. Sur le livret de famille figure l’ancienne identité d’Anne, celle de Françoise ainsi que l’enfant. Acté par une décision de justice, Anne et Françoise se séparent suite à la transition d’Anne, Françoise conserve le livret de famille et Anne demande un second livret de famille à la mairie avec sa nouvelle identité administrative. En effet, suite à son changement d’état civil, l’acte de naissance d’Anne a été modifié en revanche l’acte de naissance de sa fille ne l’a pas été. Après la loi du 17 mai 2013 ouvrant le mariage pour les couples de même sexe, il est désormais possible de faire figurer sur le livret de famille deux parents de même sexe. La mairie refuse de délivrer le second livret de famille.

La mairie sollicitée refuse de délivrer le second livret de famille au motif que le changement d’état civil d’Anne n’a pas été inscrit sur l’acte de naissance de sa fille. Dans un courrier du 14 septembre 2016, le procureur de la République explique que le lien de filiation entre Anne et sa fille n’existe plus s’il n’y a pas de lien entre l’ancienne identité et la nouvelle identité d’Anne. Par conséquent le procureur de la République préconise d’indiquer l’ancienne identité de Anne sur le livret de famille en ajoutant en mention le jugement modifiant l’état civil de Anne, cela afin de conserver la filiation entre Anne et sa fille.

Un tel livret de famille aurait pour conséquence de systématiquement révéler la transidentité d’Anne lorsqu’elle inscrirait sa fille à des activités extra-scolaires ou scolaires, tels que l’équitation ou les centres de loisir. Par conséquent, la préconisation du procureur de la République va à l’encontre de l’article 9 du Code Civil et la jurisprudence de la cour de Cassation du 11 décembre 1992 suite à la condamnation de la France par la Cour Européenne des Droits de l’Homme qui précisent que les personnes trans ont le droit au respect de leur vie privée.

Anne saisit alors le Défenseur des Droits qui dans une lettre du 8 février 2017 répond que le jugement qui prononce la modification de la mention du sexe dans l’acte de naissance de Anne n’est pas rétroactif. La filiation entre Anne et sa fille n’est pas interrompue et l’acte de naissance de sa fille n’est pas modifié car le Tribunal de Grande Instance ne l’a pas ordonné, notamment parce que cela n’a pas été demandé. Le Défenseur des Droits précise alors que le lien de filiation entre Anne et sa fille doit être indiqué dans le livret de famille et pour cela « Il sera dès lors procédé à la seule mention de [son] changement de sexe dans le livret de famille sur la partie de l’état civil [la] concernant ».

Encore une fois cela va à l’encontre du respect de la vie privée, cela va à l’encontre de la loi du 6 fructidor de l’an II et cela va à l’encontre de l’article 9 du Décret du 15 mai 1974 qui précise que : « Les actes ou jugements qui ont une incidence sur un acte ou un certificat en tenant lieu dont l'extrait figure au livret de famille doivent être mentionnés » combiné au respect de la vie privée.

Nous demandons qu’un second livret de famille, indiquant son nouvel état civil, soit délivré à Anne afin qu’elle puisse faire valoir de son lien de filiation avec sa fille tout en respectant sa vie privée. Le lien de filiation n’est pas interrompu, contrairement à ce qu’en dit le procureur de la République, puisque le changement d’état civil est une mention marginale sur l’acte de naissance de l’intéressée.

* prénoms modifiés

Courrier du procureur de Moulins